« Et il n’a pas honte de se dire heureux, parce qu’il creuse les profondeurs de la terre par les mains d’hommes enchaînés, dont les uns périssent sous les éboulements de terrains trop meubles, et les autres, soumis pendant des années à cette nécessité, demeurent dans le châtiment comme dans une patrie. » « Les uns achètent des chiens, les autres des chevaux ; circonscrivant une vaste région, ils la nomment leur, et, voulant être maîtres de grands domaines, ils ne peuvent l’être d’eux-mêmes ; ils se hâtent d’épouser des femmes que bientôt après ils répudient ; ils aiment, puis haïssent ; ils veulent des enfants, puis, adultes, ils les chassent. Quelle est cette diligence vaine et déraisonnable, qui ne diffère en rien de la folie ? » « Ne possédant pas la richesse, ils la désirent ; la possédant, ils la cachent, ils la dissipent. Je me ris de leurs échecs, j’éclate de rire sur leurs infortunes, car ils violent les lois de la vérité ; rivalisant de haine les uns contre les autres, ils ont querelle avec frères, parents, concitoyens, et cela pour de telles possessions dont aucun à la mort ne demeure le maître. « Ce qu’ils recherchent, c’est ce qui n’est pas à portée : habitant le continent, ils veulent la mer ; habitant les îles, ils veulent le continent ; ils pervertissent tout pour leur propre passion. » « Quel lion a enfoui de l’or en terre ? quel taureau a mis ses cornes au service de son ambition ? quelle panthère s’est montrée insatiable ? Le sanglier boit, mais pas plus qu’il n’a soif ; le loup, ayant déchiré sa proie, ne pousse pas plus loin une alimentation nécessaire ; mais l’homme, pendant des jours et des nuits consécutives, ne se rassasie pas de la table. » « Ne vois-tu pas que moi aussi j’ai ma part dans la folie ? moi qui en cherche la cause, et qui tue et ouvre des animaux ; mais c’était dans l’homme qu’il fallait la chercher. » Qui est fou ? Qui est sage ? Quand Hippocrate revient auprès des Abdéritains, qui attendent avec impatience le retour du grand médecin, il leur dit que Démocrite n’est pas fou… mais qu’il est simplement sage et heureux : « Amis, je vous dois bien des grâces de m’avoir appelé au milieu de vous ; car j’ai vu le très sage Démocrite, seul capable de rendre sages les hommes. Voilà ce que j’ai à annoncer au sujet de Démocrite, avec une pleine satisfaction. » Et vous qu’en pensez-vous ? Qui sont les fous ? Qui sont les sages ? Amicalement, Florent Cavaler |
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